Une nouvelle étape dans la banalisation du droit de la fonction publique

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L’ordonnance du 19 janvier 2017 étend le compte personnel d’activité aux fonctionnaires et crée, pour ceux-ci, une présomption d’imputabilité au service de certains accidents.

L’ordonnance du 19 janvier 2017 sera sans doute a posteriori considérée comme une étape importante dans ce que certains appellent la « banalisation » et d’autres la « travaillisation » du droit de la fonction publique. Ce texte rapproche en effet le droit applicable aux fonctionnaires du droit du travail sur deux questions importantes : la formation et la définition des accidents de service et des maladies professionnelles.

Ce rapprochement n’avait d’ailleurs pas échappé aux organisations syndicales et, dès l’annonce par le gouvernement, il y a un an, de l’extension du compte personnel d’activité aux fonctionnaires, certaines avaient manifesté leur hostilité. FO fonctionnaires affirmait ainsi que « dans la fonction publique, les dispositions statutaires garantissent aux agents leurs droits et non un compte personnel ». Toutefois, la position des organisations réformistes, comme la CFDT et l’UNSA, ont permis au gouvernement d’obtenir un avis favorable du conseil commun de la fonction publique sur le projet d’ordonnance, en décembre dernier.

Prise en application de la loi Travail, cette ordonnance prévoit donc l’ouverture pour tout fonctionnaire ou contractuel d’un compte personnel d’activité (CPA). Ce compte est constitué du compte personnel de formation (CPF) et du compte d’engagement citoyen (CEC). Le texte affirme explicitement que le fonctionnaire peut faire valoir les droits ainsi acquis auprès de toute personne publique ou privée qui l’emploie, selon les modalités du régime dont il relève au moment de sa demande (nouv. art. 22 ter, L. 13 juill. 1983). Les droits acquis auprès d’un employeur privé avant le recrutement dans la fonction publique peuvent également être utilisés au sein de celle-ci.

Le CPF doit permettre au fonctionnaire « d’accéder à une qualification ou de développer ses compétences dans le cadre d’un projet d’évolution professionnelle » (nouv. art. 22 quater). Il est alimenté à raison de 24 heures par an jusqu’à 120 heures, puis 12 heures par an dans la limite d’un plafond total de 150 heures. Toutefois, pour les fonctionnaires de catégorie C qui ne disposent pas d’un diplôme du niveau V, l’alimentation du CPF peut atteindre 48 heures par an et le plafond est porté à 400 heures. En outre, lorsque le projet d’évolution professionnelle vise à prévenir une situation d’inaptitude à l’exercice des fonctions, le fonctionnaire peut bénéficier d’un crédit supplémentaire de 150 heures.

Une utilisation possible pour préparer examens et concours

Les heures acquises sont utilisées à l’initiative du fonctionnaire, les actions de formation ayant lieu « en priorité » pendant le temps de travail. Le CPF peut être combiné avec le congé de formation professionnelle et ceux pour validation des acquis de l’expérience et pour bilan de compétences. Le texte prévoit expressément qu’il peut également servir à préparer des examens et concours, le cas échéant en combinaison avec le compte épargne-temps.

L’utilisation du CPF « fait l’objet d’un accord entre le fonctionnaire et son administration ». Le refus de cette dernière peut être contesté par l’agent devant la commission administrative paritaire (ou la commission consultative paritaire pour les non-titulaires). Lorsque l’administration a opposé un refus deux années de suite, elle ne peut s’opposer une troisième fois à la mobilisation du CPF sans avoir demandé l’avis de l’instance paritaire. Enfin, l’administration ne peut pas refuser une demande relevant du socle de connaissances et de compétences mentionné à l’article L. 6121-2 du code du travail mais seulement différer la formation à l’année suivante.

Le titre II de l’ordonnance traite de questions de santé et de sécurité au travail. Il crée un nouveau congé, inséré dans la loi du 13 juillet 1983 (nouv. art. 21 bis) – et donc applicable aux trois fonctions publiques – le congé pour invalidité temporaire imputable au service. Ce congé permet au fonctionnaire de conserver son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise à la retraite. Il est accordé lorsque l’incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service tels qu’ils sont définis par le nouvel article 21 bis. Celui-ci pose en effet de nouvelles définitions de ces notions qui, précise-t-il, « ne sont pas applicables au régime de réparation de l’incapacité permanente du fonctionnaire ».

Présomption d’imputabilité au service

L’article 21 bis crée une présomption d’imputabilité au service de l’accident survenu « quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service ». On aura reconnu là la jurisprudence du Conseil d’État (CE, sect., 16 juill. 2014, n° 361820, Lebon  ; Dalloz actualité, 22 juill. 2014, obs. M.-C. de Montecler  ; AJDA 2014. 1461  ; ibid. 1706 , chron. A. Bretonneau et J. Lessi  ; AJFP 2015. 46  ; AJCT 2014. 622, obs. O. Guillaumont  ; RDSS 2014. 945, note L. Lerouge ), même si la haute juridiction a toujours refusé d’admettre explicitement une présomption. Est également reprise la définition jurisprudentielle de l’accident de trajet (CE 17 janv. 2014, n° 352710, Lebon  ; Dalloz actualité, 22 janv. 2014, obs. J.-M. Pastor  ; AJDA 2014. 135  ; ibid. 448 , chron. A. Bretonneau et J. Lessi  ; AJFP 2014. 157, et les obs. ). Enfin, une autre présomption d’imputabilité est posée pour les maladies désignées par les tableaux de maladies professionnelles mentionnées au code de la sécurité sociale (présomption qu’avait refusée le Conseil d’État, v. CE 25 févr. 2015, n° 371706, Centre hospitalier Edmond Garcin d’Aubagne, Lebon  ; AJDA 2015. 1303 ), sans que soit exclue la reconnaissance d’une affection n’y figurant pas lorsque le fonctionnaire (ou ses ayants droit) établit que celle-ci est « essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions » et qu’elle entraîne une incapacité permanente à un taux fixé par décret.

L’autre innovation de l’ordonnance en matière de santé est la création d’une « période de préparation au reclassement » pour le fonctionnaire reconnu inapte à l’exercice de ses fonctions. D’une durée maximale d’un an, cette transition est assimilée à une période de service effectif.

On notera, enfin, que l’ordonnance impose aux employeurs publics de fournir les données nécessaires à la connaissance des accidents de service et des maladies professionnelles.

Simplifications pour le temps partiel thérapeutique

L’ordonnance apporte deux changements au régime du temps partiel thérapeutique. Tout d’abord, elle supprime la condition de durée du congé maladie (six mois) pour bénéficier de ce régime. Ensuite, la saisine de la commission de réforme n’est plus obligatoire. Celle-ci ne sera consultée qu’en cas de désaccord entre le médecin traitant de l’agent et le médecin agréé.

Dalloz, par Marie-Christine de Monteclerle 24 janvier 2017

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