Agent public : définition de la faute personnelle

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ADMINISTRATIF | Fonction publique

C’est en particulier au regard des fonctions exercées par un agent public que doit être évaluée la gravité de la faute qu’il a commise à l’occasion de l’exercice de celles-ci pour la regarder, éventuellement, comme personnelle.

Dans un arrêt du 11 février 2015, le Conseil d’État redéfinit la notion de faute d’une particulière gravité d’un agent public qui amène à la considérer comme personnelle.

En l’espèce, M. A., magistrat de l’ordre judiciaire, avait demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue par l’article 11 du statut de la magistrature dans le cadre de poursuites engagées contre lui pour faux en écriture publique. Le refus du garde des Sceaux ayant été annulé par le tribunal administratif de Paris, le ministre s’est pourvu en cassation.

Le statut des magistrats, contrairement au statut général de la fonction publique, ne prévoit pas expressément d’obligation de protection en cas de poursuites pénales. Le Conseil d’État considère toutefois qu’« en vertu d’un principe général du droit qui s’applique à tous les agents publics, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle » (CE, sect., 8 juin 2011, n° 312700, Lebon avec les concl. ; AJDA 2011. 1175 ; AJFP 2012. 87 , note I. Crepin-Dehaene ; AJCT 2011. 571, obs. D. Krust ).

Il rappelle « que les principes généraux qui régissent le droit de la fonction publique sont applicables aux magistrats, sauf dispositions particulières de leur statut ; qu’ainsi le principe mentionné ci-dessus est, dans le silence, sur ce point, de leur statut et en l’absence de tout principe y faisant obstacle, applicable aux magistrats de l’ordre judiciaire ».

La haute juridiction considère ensuite « qu’une faute d’un agent de l’État qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles elle a été commise, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées par celui-ci est d’une particulière gravité doit être regardée comme une faute personnelle justifiant que la protection fonctionnelle soit refusée à l’agent, alors même que, commise à l’occasion de l’exercice des fonctions, elle n’est pas dépourvue de tout lien avec le service et qu’un tiers qui estime qu’elle lui a causé un préjudice peut poursuivre aussi bien la responsabilité de l’État devant la juridiction administrative que celle de son auteur devant la juridiction judiciaire et obtenir ainsi, dans la limite du préjudice subi, réparation ». Par cette redéfinition, le Conseil d’État s’inscrit dans le sillage de sa propre jurisprudence (V. CE 28 déc. 2001, n° 213931, Valette, Lebon ; AJDA 2002. 359 , concl. R. Schwartz ; AJFP 2002. 24 ; ibid. 25, note P. B. ), mais aussi de celle du Tribunal des conflits (T. confl. 19 mai 2014, n° 3939, Lebon ; AJDA 2014. 1010 ; AJFP 2014. 371 ; AJCT 2014. 508, obs. M. Yazi-Roman ).

Constituent une faute personnelle les faits reprochés au magistrat qui, à l’issue d’une audience correctionnelle, a fait modifier par le greffier la note d’audience, pour y faire figurer des citations directes qui n’avaient pas été enregistrées ni régulièrement appelées à l’audience, et a rédigé des jugements qu’il n’avait pas prononcés sur le siège. Le Conseil d’État fait donc droit au pourvoi du garde des Sceaux.

Par Marie-Christine de Monteclerle 18 février 2015

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